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TRAVAUX PRATIQUES ANTIMÉDIATIQUES, Septembre 2005



CRITIKAT.Com

Septembre 2005

TRAVAUX PRATIQUES ANTIMÉDIATIQUES

TNT, Tir Nourri sur la Télé Pierre Carles et Zaléa TV

À l’initiative de Co-errances (coopérative de distribution indépendante) et de Zaléa TV (qui se revendique télévision libre), sortent en salles trois films traitant de l’analyse des médias. La télé peut-elle parler de la télé ? Comment les journalistes ont-ils partie liée avec le pouvoir politique, niant ainsi toute transparence et tout regard critique dans et sur les médias ? Les difficultés (voire la censure) qu’ont rencontrées ces pamphlets dans le circuit de diffusion illustre à elles seules leur teneur, comme le montre le sort réservé à Pierre Carles, dont la télé se garde bien de ne jamais mentionner le nom...

Pas vu pas pris (1998) et Enfin pris (2002) de Pierre Carles. Diffusés ensemble pour la première fois, ces deux films forment un diptyque dénonçant les relations entre journalistes et hommes politiques. C’est d’abord l’honnêteté et la déontologie des journalistes qui sont mises en question, et non le contenu de leurs prises de position ou de leurs possibles « amitiés » privées avec des personnages haut placés. Ils sont dès lors amenés à poser la question de la possibilité même d’une critique de la télévision par ceux qui la font. Pierre Carles s’inscrit pleinement sous l’égide de Pierre Bourdieu (on se souvient du film qu’il lui a consacré en 2001, La sociologie est un sport de combat). Son propos illustre en images les écrits du sociologue, notamment l’essai intitulé Sur la télévision (Raisons d’agir, 1996), où Bourdieu démonte les mécanismes de construction de l’information et de manipulation de l’opinion par le biais des émissions dites de débats, au cours desquelles le dispositif médiatique se révèle porteur de points de vue donnés comme faits objectifs. À l’origine de Pas vu pas pris, un dialogue filmé à leur insu entre Etienne Mougeotte et François Léotard, copains comme cochons, parlant politique et concurrence entre chaînes privées et publiques. L’objet du documentaire élaboré par Pierre Carles ne porte pas sur la conversation des deux hommes, sur son contenu ou même sur l’existence d’une réelle complicité entre eux, mais bien sur la véritable censure de ces quelques images dans les médias. Il est vrai qu’une telle séquence peut sembler n’avoir en soi aucun intérêt et ne pas répondre aux attentes habituelles du public. Elle va cependant, grâce au récit des péripéties subvenues au pugnace documentariste (on lui répond qu’elle ne correspond pas aux formats télévisuels traditionnels, qu’elle n’intéresse pas le public ou, mieux encore, qu’elle va à l’encontre de la légalité...), s’avérer d’une tout autre teneur et permettre de mettre le doigt sur les défaillances du champ journalistique. Pas vu pas pris met ainsi en lumière le consensus mou adopté par l’ensemble des journalistes, consensus qui les pousse à refuser d’émettre le moindre jugement critique envers des représentants du milieu médiatique et à occulter les relations de lobbying existant entre ce dernier et le pouvoir politique. Bricolage filmé, mise en abîme du travail de réalisation du documentaire, le diptyque de Pierre Carles s’appuie sur les refus et échecs successifs essuyés par le documentariste qui enregistre scrupuleusement toutes ses conversations téléphoniques avec les diverses composantes du paysage audiovisuel français. Mais ces revers servent de base à une réflexion qui dépasse la seule non-diffusion du film de départ (Pas vu à la télé) rejeté par Canal +, qui au passage écope des critiques qui lui reviennent de droit... Il est d’abord intéressant d’analyser les positions avancées par les divers journalistes interrogés par Pierre Carles au cours de son enquête. L’assujettissement des programmes au « goût du public » est primordial, de même que l’hypocrisie médiatique, qui consiste à dénigrer les procédés « malhonnêtes » utilisés pour Pas vu à la télé (caméra cachée pour le dialogue initial, « faux » sujets d’interviews pour pouvoir être reçu...) alors même que ce sont là des méthodes couramment utilisées par les journalistes d’investigation. Mais, comme le dit fort justement Pierre Carles, « les journalistes n’aiment pas qu’on applique pour eux ce qu’ils font avec les autres... ». Pas vu pas pris dévoile ainsi un monde fait de luttes d’influences et d’enjeux de pouvoir, ce qui n’est pas sans rappeler les thèses de Serge Halimi dans Les nouveaux chiens de garde (Raisons d’agir, 1997), ce dernier étant d’ailleurs interrogé dans les deux films. Pourtant, ce premier volet manque d’une véritable force d’analyse et reste tel un chien qui se mord la queue. Pierre Carles, qui sait fort bien se mettre en scène, frise parfois le complexe de persécution, ce qui peut en exaspérer plus d’un. Au final, on en arriverait presque à dire que c’est là beaucoup de bruit pour rien, s’il n’y avait le deuxième volet, Enfin pris ?, qui apporte un éclairage bien plus pertinent et réflexif en se penchant davantage sur deux figures emblématiques de la critique des médias, à savoir Pierre Bourdieu et Daniel Schneidermann, qui apparaissent comme les deux faces possibles de l’analyse médiatique, l’un extérieur, l’autre intérieur à la machine télévisuelle. Ce second documentaire, qui n’est pas vraiment la suite du premier, semble plus construit et travaillé que le précédent. L’humour et la satire (voir la mémorable scène chez un psy à tête de Freud burlesque où Pierre Carles fait son analyse) servent un propos détonnant. En effet, il s’agit de montrer comment Bourdieu s’est vu piégé dans l’émission Arrêt sur images de Schneidermann, alors même que cette dernière a pour but de poser un regard soi-disant critique sur les médias. La mise en parallèle de l’interview de Bourdieu avec celle de Jean-Marie Messier, alors président de Vivendi Universal, par les mêmes journalistes, se révèle dévastatrice et ternit la crédibilité de l’émission dominicale de France 5. Se pose alors véritablement la question d’une critique interne au monde du journalisme télévisuel, qui paraît avoir perdu sa fonction de contre-pouvoir. C’est bien là ce que met en relief l’Observatoire des médias, créé à l’initiative d’Ignacio Ramonet et du Monde diplomatique, avec pour objectif la constitution d’un cinquième pouvoir qui pointerait les insuffisances de ce quatrième pouvoir que représentent les médias. Suite à son intervention dans l’émission de Schneidermann, Bourdieu écrivait justement dans Le Monde diplomatique : « on ne peut pas critiquer la télévision à la télévision parce que les dispositifs de la télévision s’imposent même aux émissions de critique du petit écran ». Débats faussés, absence de contradicteur, orientation des questions, confusion entre analyse et prise de position politique ou idéologique, les dérives sont nombreuses. Enfin pris ? a le mérite d’en faire ressurgir toute la portée et de susciter une prise de conscience du téléspectateur.

Désentubages cathodiques : grosses ficelles du petit écran. Film collectif produit par Zaléa TV. Suite de courts documentaires corrosifs, Désentubages cathodiques décrypte les différentes formes de manipulation médiatique et de désinformation véhiculées par la télévision, à partir d’exemples précis et emblématiques (journal de 13 heures de TF1 présenté par Jean-Pierre Pernaud, entretien de Jacques Chirac avec Patrick Poivre-d’Arvor...). Qu’il s’agisse de relever les lapsus de Jacques Chirac, révélateurs de son hypocrisie patente, ou de mettre en parallèle faits vérifiés et pseudos informations diffusées par le JT, cette série de reportages dévoile bon nombre de compromissions et d’approximations effectuées par les journalistes. Contraints à des exigences de rapidité, ces derniers sont amenés à écourter le nécessaire travail de vérification de leurs sources. Soumis à la logique du scoop et à la recherche du sensationnel au mépris de la rigueur et du sérieux, les médias semblent en ce sens plus enclins à orienter l’information en fonction, d’une part, des prétendues attentes du grand public et, d’autre part, de la ligne impulsée par le pouvoir politique. C’est bien ce que souligne le documentaire retraçant l’histoire du faux fait divers, « l’affaire du RER D », véritable emballement politicomédiatique, surenchère de témoignages et de prises de parole au profit de celui qui s’indigne le plus fort. Paradoxe du système, la jeune mythomane qui s’est prétendue victime d’une agression antisémite, a puisé son inspiration dans les discours télévisuels, tout comme les dires des témoins interrogés, qui ont peur dans le RER « avec tout ce qu’on entend à la télé, n’est-ce pas ? ». Et puis, « le RER D, c’est un D comme dangereux... ». Faute de travail d’analyse de l’information et de recoupement des sources, poussés par un frénétique empressement à vouloir parler d’un événement dont on ne sait encore rien, les journaux télévisés de la plupart des grandes chaînes ont ainsi montré leurs limites sans toutefois en admettre les conséquences. C’est également ce que souligne le documentaire intitulé « Prise d’otage sur/par TF1 », qui dissèque comme il se doit la couverture par la première chaîne de la libération des otages de Beslan en Russie, traitée d’une bien pitoyable manière, donnant lieu à un numéro clownesque de journalistes abusant du conditionnel, n’étant ni sur place ni bien informés, mais présentant les faits avec toute l’arrogance de la certitude. Désentubages cathodiques revient enfin sur la partialité des médias lors de la campagne référendaire pour l’adoption de la constitution européenne. L’entretien avec Henri Maler, universitaire et analyste des médias pour le site Acrimed (Action Critique Médias) est à cet égard d’un grand intérêt. Il permet un décryptage pertinent d’un certain nombre de morceaux choisis éminemment révélateurs de la nette propagande médiatique en faveur du oui. Dans un tel contexte, comment encore faire un tant soit peu confiance aux informations diffusées à la télévision ? Si la forme de ces documentaires reste certes quelque peu sommaire et brouillonne, elle correspond à celle des studios de Zaléa TV, qui faute de moyens bricolent leurs films comme ils peuvent. On peut en revanche regretter l’insistance avec laquelle par moments sont recherchés l’humour et la légèreté. Sur ce point, la longue séquence réservée au « Tivibigone » (petit boîtier passe-partout permettant d’éteindre n’importe quel téléviseur) apparaît comme le point faible de la série, tant il semble plus proche de la fadaise que du documentaire. Le sujet abordé dans cet ensemble n’est-il pourtant pas assez sérieux, pour qu’on adopte tout à coup une attitude plaisante, voire complaisante, à la manière d’un Michaël Moore et de son bêtisier Fahrenheit 9/11 ? Toutefois le message qui en ressort, pleinement inscrit sous le patronage de Pierre Carles, auquel le film est d’ailleurs dédié, semble plus que jamais nécessaire et rappelle que, derrière le discours médiatique, se nouent des enjeux politiques et économiques qui ne laissent pas indemnes la transparence et « l’objectivité » prétendument affichée par les médias français. Florie Delacroix et Laurent Morin.


Auteur(s) : Presse