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Commentaires philosophiques sur Désentubages Cathodiques


A l’issue d’une projection de Désentubages Cathodiques à Saint Jean d’Angely, des prof de philo nous ont envoyé le texte que nous publions ci dessous.



Que l’information soit un pouvoir, ce n’est pas une découverte récente. Que les médias aient une histoire en clair-obscur, faite de moments remarquables mais aussi déplorables, ce n’est pas non plus aujourd’hui que nous l’apprenons. Tout un savoir critique et historique est là-dessus à notre disposition. Alors qu’est-ce qui nous fait défaut ? De quoi sommes-nous « pauvres » ? De presque rien. Juste d’un peu d’« exercice ». Ou comme l’on dit parfois, « d’une piqûre de rappel ».

Il y a des métaphores trompeuses. La télévision fut souvent appelée « lucarne ». Le petit écran faisait penser à une fenêtre magique ouverte sur un monde absent du champ de notre vision et pourtant sous nos yeux... Moscou, Beslan, Bagdad, etc. Le journal télévisé nous offre le luxe du « direct », il nous fait les témoins vivants de l’événement... semble-t-il. Nous sommes en face d’un défi vertigineux : résister à ce que nous voyons, entendons, c’est-à-dire douter du vraisemblable. La règle de Saint-Thomas - « je ne crois que ce que je vois » - ne nous est plus permise. Alors que faire ? Il faut tout d’abord revoir puis se demander : pourquoi un événement peut-il spontanément paraître crédible alors qu’il ne l’est pas ? La crédibilité est la question fondamentale. Elle est politique, civique, éthique.

Désentubages cathodiques interroge la crédibilité des « faiseurs » de l’info. Pourquoi pouvons-nous douter d’être réellement informés ? Pourquoi le contrat de l’information ressemble-t-il parfois à un contrat de dupes ? Reprenons le cas de la prise d’otages de Beslan - exemplaire à cet égard. Nous voyons un journaliste communiquer en temps réel avec une autre journaliste qui elle-même commente des images en différé d’une télé russe. Cela fait beaucoup d’intermédiaires pour s’assurer de la réalité d’un événement et de la bonne version des faits. De même qu’un objet s’use à force d’être touché on peut craindre que la vérité ne se dégrade à force de passer par tant de mains... Souvenons-nous que jusqu’au début du 20ème siècle « médiatiser » signifiait littéralement « priver quelqu’un de ses droits immédiats ». La médiatisation de l’événement tend à nous priver, sans qu’on n’y prenne garde, d’un regard véritable puisque nous ne faisons jamais que voir à travers la vision d’un autre. Certes l’information est à ce prix. Mais la désinformation aussi... C’est pourquoi la question de la confiance est fondamentale. Et le doute, des deux côtés de l’écran, devrait être un principe. La lamentable histoire de cette jeune fille mythomane l’illustre particulièrement. Son cas témoigne d’un paroxysme de la médiatisation : la construction d’une « réalité imaginaire », non seulement pour elle mais aussi, le temps de quelques jours, pour les journalistes, les hommes politiques et les simples citoyens. La société française a fait un cauchemar sans avoir l’excuse du sommeil... Alors, à qui la faute ? Faudra-t-il désormais refuser de voir et d’entendre pour être un peu plus sûr de ce qui est réel et de ce qui est vrai ?

En fait, ce que pointe Désentubages cathodiques, c’est cette grande confusion qui règne un peu partout dans l’information télévisée. Confusion des points de vue. Confusion des journalistes eux-mêmes entre l’indicatif et le conditionnel. Confusion coupable entre voir et comprendre, montrer et démontrer, si bien que toute distance critique devient quasi-impossible. Collusions entre certains politiques et la corporation journalistique. De pareilles connivences sont-elles faites pour nous permettre de mieux voir ? Si telle est l’intention, elle est certainement louable mais on persiste à penser que, le droit à l’information ayant été conquis au terme d’un combat long et pénible, la vérité s’accommode mal de tant de politesses. Ajoutons à cela le mélange des genres - inquiétant lorsque le divertissement s’empare du droit d’informer au risque de transformer l’événement en pur et simple spectacle. Cette étrange fusion entre la « culture de masse » et l’information témoigne encore d’une confusion tout à fait problématique entre informer et communiquer. Cette indétermination, cette impossibilité de tracer une frontière bien nette sont les symptômes d’un même mal : le règne de la seule contrainte économique. L’information tend donc à être traitée telle une marchandise - la déontologie n’étant plus qu’un sous-chapitre anecdotique dans la stratégie marketing.

Une des caractéristiques techniques d’un objectif de caméra est son « pouvoir séparateur », autrement dit sa capacité à distinguer les plans, à souligner les détails. Il semble que la télévision ait parfois des soucis « techniques »... Il ne s’agit pas de faire un procès d’intention et de crier à la manipulation mais de simplement constater que le droit d’informer suppose de s’imposer davantage de devoirs.

Violaine LUCAS et Heidi M’CHIRI

Indications bibliographiques :

 RAMONET Ignacio, La Tyrannie de la communication, Galilée, 1999.
 VIRILIO Paul, L’art du moteur, Galilée, 1993.VOLKOFF Vladimir, Désinformations par l’image, Editions du Rocher, 2001.


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