Fonds Secrets
Rencontre avec Serge Vincent,
comédien, fondateur de la société de protection des ayants droit

Propos recueillis par Rachid Ouadah, le 25 mai 2001
et publiés le 11 juin 2001 sur le site powow.org

Après quatre années de syndicalisme dans le monde artistique, le comédien Serge Vincent crée en 1984 le syndicat indépendant des artistes-interprètes. En 1993, il fonde l'association de protection des ayants droit qui regroupe des artistes-interprètes membres de l'Adami. Depuis quelques années, l'association milite pour la transparence de la gestion des sociétés de répartition des droits - Çen particulier l'AdamiÈ qui s'oppose à cette volonté depuis 1988. A la suite d'un scandale financier, Serge Vincent avait demandé l'accès aux livres et documents sociaux. Une jurisprudence sur la loi Lang du 3 juillet 1985 interdit justement l'accès de ces documents aux associés.

Qu'est-ce qui a changé depuis 1985 ?
L'action de notre association a abouti à plusieurs procédures et à des campagnes de presse. En 2000, le 1er août, le Parlement a voté une loi instaurant le contrôle des comptes et de la gestion des sociétés de droits par une commission permanente. Depuis cette date, la Sacem, l'Adami et les autres sont soumises à un contrôle permanent par une commission que préside un magistrat de la Cour des comptes. Cette commission est composée de cinq membres, dont un membre du Conseil d'Etat, un magistrat de la Cour de cassation, un inspecteur général des Finances et un autre des Affaire culturelles. J'ai obtenu que le Parlement vote l'application de l'article 1865 du Code civil autorisant l'accès aux documents pour les associés. Dans le domaine de la gestion et de la répartition des droits, c'est une révolution. Depuis Beaumarchais -1877 - ces sociétés n'ont été soumises à aucun contrôle sérieux.

Pour quelles raisons ?
En 1996, j'avais saisi la Cour des comptes pour que celle-ci opère un contrôle sur la société Adami. A ce moment-là, Pierre Joxe, alors président, a répondu que la Cour n'était pas compétente car ces sociétés relevaient du droit privé et qu'elles collectaient des fonds privés. Je croyais que les droits de la copie privée (droits sur les supports enregistrables) et de la rémunération équitable étaient considérés comme des taxes et relevaient par conséquent de la compétence de la Cour des comptes. Mais non. Ce ne sont pas des taxes - donc pas de contrôle possible par la Cour. J'ai alors fait déposer par un député une proposition de loi relative à ce contrôle - parce qu'il fallait une loi pour donner cette compétence à la Cour. Le même problème s'est posé avec l'ARC qui collectait des fonds privés et échappait ainsi au contrôle. C'est la loi Evin de 93 qui a permis le contrôle des associations caritatives de fonds publics. Il me paraissait naturel d'exiger la même chose pour les sociétés de gestion et de répartition, dans la mesure où elles ont une mission d'intérêt général et sont en situation de monopole. En France, il y a 21 sociétés qui collectent plus de cinq milliards de Francs. Cette somme va augmenter avec la reconnaissance des droits sur les CD et les DVD vierges : un apport supplémentaire d'un milliard selon madame Tasca. Les sommes en jeu et l'intérêt général qui doit guider ces sociétés me semblent justifier l'exigence d'un contrôle public. Les auteurs, artistes-interprètes et producteurs n'ont pas le choix. Moi, en tant qu'artiste-interprète, je n'ai pas d'autre choix que d'adhérer à l'Adami.

Comment interpréter les réaction de ces sociétés ?
Leurs dirigeants se sont farouchement opposés au contrôle. Ce qui a abouti à la loi du 1er août 2000. L'année dernière, la SACEM, la SACD et la SCAM ont fait circuler des pétitions. Des pages de publicité ont paru - dans Le Monde, Le Figaro et deux fois dans l'Humanité - contre l'amendement Charasse qui est à l'origine du contrôle (...). Ce système de gestion et de répartition est une usine à gaz. Vous avez les sociétés elles-mêmes... et vous avez ensuite des sociétés de sociétés. Il y en a deux pour les producteurs de disques, par exemple : la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) et la SPPF (producteurs indépendants). Ils en ont crée une troisième, la SCPA (Société civile des producteurs associés). Il existe deux sociétés qui collectent les droits de la copie privée : Copie France pour l'audiovisuel et la Sorecom pour l'audio. Au sein de Copy France, vous retrouvez la SDRM, l'Adami et la Procirep. La SDRM (Société de reproduction mécanique) est une société de sociétés dans laquelle on retrouve la SACEM, la SACD et la SCAM. C'est ce que j'appelle une usine à gaz. Et le principe de l'usine à gaz, c'est la complication, pas la simplification, justement (...). Un rapport d'audit unique sur l'Adami - fait en 1997 par un inspecteur général des Finances et un inspecteur des Affaires culturelles - a révélé une gestion accablante. Suite à cela, le ministère de la Culture a fait en sorte que ce rapport ne soit pas rendu public - et n'a pris aucune mesure.

Dans le domaine de la musique, Internet (via les propositions de Napster par exemple) constitue-t-il une opportunité pour envisager un système où il y aurait moins d'intermédiaires - voire aucun - entre les ayants droit et le public ?
Je pense que l'artiste, l'auteur, doit avoir le choix soit de négocier directement ses droits avec le producteur, soit de passer par une société de gestion collective. Moi, je suis contre le monopole de la gestion collective ou la gestion collective obligatoire. Les artistes doivent avoir le choix. S'ils désirent gérer leurs droits par leurs propres moyens, la loi doit le permettre. La transparence s'impose à cette gestion. A partir de là, il y aura moins de problèmes.(...).

Que devient cet argent ?
Certaines sociétés prélèvent - en vertu de l'article l321-9 pour l'aide à la création, aux spectacles vivants et à la formation des artistes - de l'argent qui finance les stands de ces sociétés au Midem. L'Adami a, jusqu'à ce jour, financé son stand de cette manière et a même subventionné Reed-OIP, la société organisatrice du Midem. Selon moi, Charasse se demande si la part de ces sommes (25 %) directement destinée à l'activité créatrice sert réellement au financement de la création artistique et non à celui de bureaux export de la musique - par exemple. L'aide à la diffusion n'entre pas dans le cadre de la loi de 85.

Propos recueillis par Rachid Ouadah, le 25 mai 2001.

Association de protection des ayants droit
41, rue des Archives 75004 Paris Tél: 01 42 77 64 66

  haut de page  
De même qu'il n'y a pas de démocratie sans contre-pouvoir,
il n'y aura pas de démocratie audiovisuelle sans contre-pouvoir audiovisuel

Mot exact résultats par page

moteur de recherche X-recherche.com

Zalea TV
license tsa 2000-02