Lettre ouverte à Monsieur Bertrand Delanoë, Maire de Paris
A propos du non-relogement du pôle d’associations "AG45 - La Maison des
Médias Libres" constitué de : radio FPP, Zalea TV, Co-errances, Réseau 2000, Les
Périphériques Vous Parlent. Paris, le 20 avril 2007 Monsieur Le Maire, Vous inaugurerez, Monsieur le Maire, le 12 mai prochain, les Jardins
d’Eole, dont l’implantation sur le site de la Cour du Maroc, rue
d’Aubervilliers, dans le XVIIIème arrondissement, contribuera sans nul
doute à apporter un mieux-être aux habitants de ce quartier défavorisé.
Vous n’êtes pas sans savoir que notre fédération d’associations, qui
s’acquitte depuis plusieurs années d’un loyer auprès de votre Mairie,
occupe à ce jour l’un des bâtiments situé dans ces jardins et qui,
après rénovation, devrait accueillir l’Ecole de la deuxième chance,
scellant notre départ des lieux. Nous souhaitons attirer votre attention sur le problème posé par la
réaffectation envisagée du bâtiment où intervient actuellement notre
pôle média associatif AG45 et, au-delà, sur le devenir du tissu
associatif parisien, de plus en plus entravé pour mener à bien ses
missions d’utilité sociale et culturelle, et d’information. En effet, notre situation témoigne des incertitudes et des inquiétudes
dans lesquelles de nombreuses associations se trouvent être immergées
aujourd’hui, sous l’effet de la flambée des prix locatifs, qui
contribue à leur étranglement financier et compromet leur indépendance
d’action, voire leur survie. Des dizaines de salariés travaillent depuis plus de six ans dans les
associations qui constituent AG45, sans compter les bénévoles et les
stagiaires. Trois à quatre cent personnes s’y relaient chaque semaine
pour s’y former gratuitement à l’informatique et à internet, pour y
produire des programmes radiophoniques et audiovisuels, des
manifestations culturelles et artistiques, pour y découvrir des livres,
des films et des revues. Les savoirs y sont échangés gratuitement, et
la culture accessible à tous, au niveau régional mais aussi national.
Cette expérience participe, de manière évidente, au pluralisme de
l’expression et de l’information. Nous tenons à rappeler la fragilité, les bas salaires, les conditions
chroniques de précarité du monde associatif, dans une période de
réduction drastique de subventions et d’aide à l’emploi. Le maintien de
ces emplois est évidemment lié à la mise à disposition d’un lieu de
travail à des conditions financières viables. Notre départ du site prochainement semble avoir été décidé. Pourtant
les activités menées depuis plusieurs années par nos associations, en
lien avec les habitants du quartier, ont contribué à sa réhabilitation
en construisant un climat de solidarité et d’entraide. En conséquence,
la décision de nous maintenir sur les lieux n’aurait rien eu de
scandaleuse ni d’usurpée à nos yeux. Il en a été décidé autrement. Nous nous sommes engagés dès 2002 dans une démarche consensuelle avec
vos Services. Force est de constater que, de ce fait, nous n’avons
guère communiqué sur notre travail et nos actions ; ce qui a permis à
certains de les minimiser au nom d’enjeux locaux. Cette situation ne
saurait perdurer. Nos inquiétudes, Monsieur le Maire, sont attenantes aujourd’hui tant à
notre relogement et à la nature des solutions préconisées jusque là par
la Mairie, qu’à la place que vous accordez à la question des médias
dans le cadre de votre mandature, à l’heure où cette question est
abandonnée à l’initiative du seul secteur marchand. Nous avons toujours été disposés à négocier des propositions
compatibles avec nos possibilités. Or, à ce jour, l’unique réponse qui
a suivi les nombreuses prises de contact a été de nous proposer des
locaux dont les loyers s’alignent sur les prix du marché, bien au-delà
de nos capacités financières et alors même qu’une surface de 35 000 m²
dédiée à la culture ouvrira ses portes à quelques pas d’AG45, au 104
Rue d’Aubervilliers. Ce type de proposition est tout simplement inacceptable, non par choix,
mais par nécessité. Les conditions de fragilité financière du tissu
associatif parisien, y compris nos associations, rendent en effet
impossible l’acquittement d’un loyer au prix du marché. De plus, cela nous paraît contradictoire avec notre vocation : celle de
faire vivre un espace public citoyen, non-marchand et indépendant,
oeuvrant au renforcement des solidarités sociales et humaines. Comment
se fait-il que des associations comme les nôtres ne puissent
aujourd’hui disposer d’espaces à loyers accessibles, alors qu’elles
sont productrices d’une richesse sociale et culturelle avérée ? Cette question est indissociable de celles de la démocratie
participative et de la culture de proximité, qui anime les 45 salariés
travaillant à AG45, ses milliers d’usagers, ainsi que les nombreux
collectifs et personnalités qui nous soutiennent afin qu’une solution
digne de relogement soit trouvée. Comme semblerait l’indiquer votre
projet d’« école de la deuxième chance » en lieu et place d’AG45, vous
ne pouvez manquer d’être sensible à ces enjeux et concernés plus
généralement par la situation de précarisation des populations les plus
vulnérables, reléguées inexorablement dans les périphéries de nos
villes ; ceci pour faire place nette à des projets immobiliers qui
n’ont pour unique objectif que le profit. Cette précarité grandissante des associations fragilise les droits
sociaux, représente une limite au pluralisme, à la liberté d’expression
et à l’appropriation par les citoyens des outils indispensables au
développement de la créativité individuelle et collective, et à tout
effort de transformation sociale - laissant alors prospérer la pensée
unique et ses logiques de concurrence. Dans ce contexte, nous demandons aujourd’hui que notre situation soit
enfin étudiée et considérée avec tout le respect dû à nos activités,
sans que les intérêts partisans et particuliers des uns et des autres
prévalent. L’avenir de nos associations en dépend. C’est pourquoi nous souhaitons, Monsieur le Maire, un engagement clair
de votre part, lors de l’inauguration des Jardins d’Eole, pour
permettre le relogement d’AG45 dans des conditions financières
identiques. Vous manifesteriez par là votre soutien à la création
durable d’un lieu dédié aux médias associatifs et populaires. En effet,
devant le recul permanent des libertés et la marchandisation croissante
de la culture, le pole AG45 que nous avons préfiguré s’avère être un
espace d’expression citoyenne et, à travers les médias, un outil
d’apprentissage de la démocratie participative. Nous vous prions, Monsieur le Maire, d’accepter l’expression de nos
salutations distinguées. Les représentants d’AG45 - La Maison des Médias Libres
constituée de :
Contact presse : Cyrielle au 01 46 07 22 08 mail : cyrielle@zalea.org Lettre ouverte à Monsieur Bertrand Delanoë, Maire de Paris
la coopérative de distribution Co-errances
la radio libre Fréquence Paris Plurielle
la revue Les périphériques vous parlent
l’espace public numérique Réseau 2000
la télévision libre Zalea TV
Auteur(s) : Presse