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QUESTIONS D'IMAGES
cinéma-documentaire-photographie
Christian Milovanoff

 

 

 

5. Citons notamment: The Diary of an Unknown Soldier (Royaume-Uni, r959), Culloden (Royaume-Uni, r96q), The War Game (Royaume-Uni, 1966), Punishment Park (USA, 1970), The journey (Norvège, 1983-1986). Les films de Watkins, quand ils ne sont pas interdits, ne sont pas diffusés ou seulement dans le cadre de festivals. C'est ainsi, par exemple, que récemment un hommage a été rendu au cinéaste dans le cadre du Festival international du documentaire, Marseille/Fictions du réel. Le musée d'Orsay a présenté neuf fois le film La Commune et la chaîne ARTE l'a diffusé une fois en deuxième partie de soirée et, quelques jours plus tard, en après-midi (programme accessible seulement aux abonnés du bouquet Canal-Satellite).

6. Philippe Lafosse, "Renaissance du cinéma politique : Peter Watkins filme la Commune", in Le Monde diplomatique, mars 2000.

7. Dès la fin de l'année 1999, des participants au film se sont regroupés au sein d'une association, Rebond, dont le but est non seulement de permettre au film d'être vu et diffusé, mais encore et surtout "de le continuer dans l'espace social", comme a pu me le confirmer Jean-Marc Gau-thier, un des initiateurs de cette association. (Rebond pour la Commune c/o La Parole errante, 9, rue FrançoisDebergue, 93000 Montreuil.)

Les voix ordinaires,
La Commune de Peter

donner la parole à ceux et à celles dont la voix n'est pas entendue dans les organes de presse, mais également à travers les épisodes du feuilleton de restituer à cette voix son caractère fluide, fragmenté, imprévisible.
Tout le film de Peter Watkins - et toute son oeuvre cinématographique depuis les années soixante (5) - est soutenu par ce désir : rendre possible une parole que les médias occultent et ne laissent jamais filer, sauf à être passée par les filtres du formatage audiovisuel: reality show et autres émissions spectaculaires. Ainsi, Watkins, "pour défier, dit-il, les mécanismes des médias audiovisuels (6)", montre la fabrication du film, nous renseigne sur ses procédés et les techniques qûil utilise, donne ses sources et cite ses références, présente tous les protagonistes, faisant, de ce film d'histoire sur une lutte populaire, un outil possible de lutte (7). Voilà pourquoi également il a besoin des deux personnages fictifs et anachro-niques que sont justement deux journalistes-reporters de télévision qui vont rendre actuel le film, et vont faire une télévision comme on ne l'a jamais vue: enquêtes, reportages, émissions en direct, micros sans cesse ouverts pour recueillir ces cris et ces murmures anonymes. Questions des uns, réponses des autres : échanges. Comment faire un reportage ? Discussions. Comment traiter l'information ? Débats. Faut-il citer un fragment d'article de journal ? Justifications. Une vraie télévision de service public en quelque sorte dans laquelle le spectateur a une place à tenir. Il est comme l'acteur non professionnel qûil voit évoluer sur l écran. Il joue lui aussi un rôle. C'est à lui que se présentent ces hommes, ces femmes et ces enfants. C'est à lui de trouver les liens complexes de la vie sociale d'hier et d'aujourd'hui. A lui de faire le montage avec tous les matériaux (mots, car-tons, intertitres, faits et dates) qui s'offrent à lui. A lui encore de deviner, de débus-quer, de créer et d'inventer le sens. Et le temps dans lequel il est pris réactive la mémoire de ce qu'il est par rapport à ce qu'il voit, de ce qu'il voit par rapport à ce qu' il a vu, de ce qu'il a vécu par rapport à ce qu'il voit vivre sur l'écran. L'image, chez Watkins, ne se donne pas à voir. Elle se donne un petit peu, pas entièrement. Au spectateur d'aller vers elle. L'image nous regarde tout autant que nous regardons l'image. Nous regardons l'histoire tout autant qu'elle nous regarde, qu'elle nous concerne, étymologiquement con-cernere, c'est-à-dire mêler. Nous sommes liés à ce qui s'est passé, aux événements et aux récits qui les entourent, au travail des comédiens, à leurs rôles dans le film et à ce qu'ils feront après le film, au travail de montage de Watkins qui oppose ou rapproche les postures et les mots des protagonistes: "Je ne regrette rien, dira un militant versaillais, il fallait le faire, je l'ai fait." Et, sortant de son personnage pour redevenir citoyenne, une bourgeoise dira en fait la même chose: "Moi, dans le film, on m'a demandé de donner corps, de la chair, à un personnage qui serait hostile à la Commune, je l'ai fait." (suite)


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De même qu'il n'y a pas de démocratie sans contre-pouvoir,
il n'y aura pas de démocratie audiovisuelle sans contre-pouvoir audiovisuel